Ce statut date de 2020 et est accessible sur Facebook
Nous sommes en 1996, en avril ou mai. Je commence sérieusement à m’interroger sur la nécessité ou non de préserver tout le patrimoine numérique, informatique et jeux vidéo, ou plutôt comment faire cela. Des amis possèdent des micros plus ou moins devenus rares, et j’ai moi-même quelques machines dont un C64, un SX-64, une Vectrex, quelques MSXs glanés ci et là à Montpellier, ST, Amiga et beaucoup de jeux. Nous sommes même allé chez Ra, le célèbre graphiste de la démoscene Amiga qui habitait alors Montpellier, et qui nous a sorti de son chapeau un magnifique Sinclair ZX-80 « parce qu’il est trop beau » et qu’il avait acheté pour 20 francs aux puces (lol). Mes potes d’école d’ingénieurs kiffent mes vieilles machines, et viennent jouer chez moi à mon MSX2 et mes jeux coquins (Peach Up, Pink Sox, etc). Bref, tout ce beau monde autour de moi, et moi-même bien sûr, adorons en fait ces vieilles machines en voie de disparition.
Alors, oui bien sûr, il faut faire quelque chose ! Mais par quoi commencer ? Cette année, j’étais en stage de mémoire d’ingénieur au LIRMM, un laboratoire appartenant au CNRS de Montpellier, sur un stage vraiment passionnant concernant l’immuno-génétique. Du coup, j’étais toute la journée ou presque sur Montpellier, et j’allais presque tous les jours chez mon ami de toujours, Eric Fantone. C’est d’ailleurs grâce au LIRMM et l’accès Internet de l’université de Montpellier que naîtra le site Musée d »Histoire Naturelle Informatique, l’ancêtre de MO5.COM, premier musée virtuel francophone dédié au patrimoine numérique !
Voyant ma nouvelle préoccupation, Eric me ramène un jour un magazine qu’il a trouvé dans une nouvelle boutique qui vient d’ouvrir près de Montpellier, et qui s’appelle Chez Bouzille (certainement avec un rapport à Bouzigue, je pense;) ). Ce magazine, c’était le numéro spécial de Noël 84 de l’Ordinateur Individuel, qui relatait sous la forme de courtes fiches les caractéristiques principales de près de 128 machines ! une vraie bible pour alimenter mon nouveau site web !
Mais Eric me dit aussi que non seulement, on trouve des magazines chez Bouzille, mais aussi des machines anciennes, et que définitivement, je devrais venir voir car cela devrait m’intéresser… Tu parles !!
C’était extraordinaire !! un hangar industriel bourré du sol au plafond de machines de tout âge, de toute provenance ! c’était fou !! Il y avait des milliers de machines, de périphériques, des tas de disquettes, de magazines, de livres sur l’informatique. On marchait sur les machines, tellement il y en avait partout. Il m’est arrivé, souvenir mémorable et dément, de gravir véritablement une montagne de PC de plusieurs mètres de hauteur car il y avait parait-il dans le dernier PC en haut une carte réseau intéressante (hint : c’était bien le cas !). J’ai commencé alors à acheter des dizaines de machines, des ordinateurs, des claviers, de tout, dans des quantités folles. Le principe de base de Chez Bouzille était prodigieux : vous payez au kilo. Un kilo d’informatique ? Ok, ce sera 10 francs ! 2 kilos ? 20 francs ! incroyable ! Devant les quantités démentes de matériels que je prenais, le vendeur finalement me fera des tarifs à l’oeil, du genre « Allez, le gros tas de merdier là, je te le fais à 80 francs, ok ? ».
C’était d’ailleurs le même plan à l’Emmaüs de Montpellier, où je chargeais des dizaines voir centaines de kilos de machines, périphériques, jeux, des fois même à la brouette tellement il y en avait. Je remplissais du coup la 405 break de Marc Hugon pour quelques centaines de francs ou beaucoup moins. C’était vraiment une époque complètement folle.
Mais revenons à nos Alice. Un beau jour où je faisais mes courses à Bouzille, je tombe sur un nid d’Alice. J’en vois un, puis deux ou trois. Puis des dizaines. Nom de Dieu, mais qu’est ce que c’est que ça ? D’où venaient ils tous ?! J’ai tout ramassé en hâte comme un fou. Malheureusement le vendeur de Bouzille ne pourra pas m’en dire plus sur la provenance de tous ces Alice, 4K, 32K et Alice 90. Le plus étrange est presque que les ayant testés, tout ou partie déjà à l’époque, je me souviens parfaitement avoir été très surpris de constater que la grande majorité ne fonctionnaient pas. Comme si ces machines avaient été mises au rebut, soit à la sortie d’usine, surtout qu’esthétiquement elles paraissaient neuves, soit des retours de magasins non réparables, ou autre. Je ne sais pas. Cela reste un mystère pour moi même 24 ans après.
Mais, pourquoi ces Alice sont ils venus mourir à Montpellier ? D’où Le Cimetière des Alice.
Au fait, sur la photo précédente, il en manque encore 3 ou 4 que je n’ai pas eut le temps de rapatrier depuis le grenier de ma grand-mère, et bien entendu, c’est sans compter sur les dizaines d’exemplaires qui sont maintenant à Paris dans les collections de la magnifique association MO5.COM !
NB : Il semblerait que Chez Bouzille ait continué d’exister bien après cette époque !
Allez, à bientôt pour une nouvelle belle petite histoire 😉
Prez